À contresens (version courte)

Publié le par DonaSherif

 

 

Noirmoutier.

Un joyau de tranquillité, un petit air méditerranéen en plein mois d’avril. Les pampilles jaunes des mimosas paraient les allées et le château médiéval, en plein centre, donnait un cachet particulier à la petite cité vendéenne.

Élisabeth sourit de bonheur.

C’était bien la première fois qu’elle partait en vacances de bon cœur, libérée. Trois années de bataille. Elle était sereine, débarrassée de ses angoisses, de ses complexes, de la peur de la solitude. Fini l’amour ravagé, mis à sac, violent et destructeur. FI-NI ! se dit-elle.

C’est alors qu’elle entendit :

— Élisabeth !

Son cœur s’étreignit brutalement. Elle savait déjà, en se retournant.

— Élisabeth ! cria une nouvelle fois Laurent.

Le destin fait mal les choses. A moins qu'il ne soit une entité vengeresse dont le seul but est d'assouvir sa haine du genre humain...

Laurent se tenait devant elle. Seul, hâlé, beau. La sveltesse extraordinaire d’un jeune homme de vingt ans. La cruauté d'un homme de cinquante.

 

— Bonjour, répondit-elle froidement.

— Que fais-tu là ? questionna Laurent, dans un rire qui témoignait de son bonheur à la rencontrer.

Il avait l’air sincère.

— Ne me dis pas que tu es en vacances, ici ? demanda-t-elle, amère.

Laurent hésita un peu :

— Si... Et toi ?

— Oh non ! Ce n’est pas vrai ! Je viens de louer un studio pour deux semaines !

Elle en eut les larmes aux yeux.

— Mais... Tu es seule ?

— Oui, répondit-t-elle.

Il lui sembla qu’elle avouait une faute. Un vertige qui ressemblait à de la honte rentrée l’assaillit.

— Et si nous dînions ensemble, ce soir ? Élisabeth... Cela fait si longtemps !

— Ah non ! Sûrement pas !

— Juste tous les deux ! Ça me ferait plaisir ! S’il te plaît !

— Non. C’est hors de question, s'insurgea-t-elle. N'insiste pas !

 

 

 

 

Ils se retrouvèrent à 20h, aux « Trois moulins », un restaurant face à la plage. Elle regrettait déjà d'avoir accepté mais une curiosité vive et la sensation de devoir résoudre une bonne fois pour toutes le malheur qui avait fracassé sa vie l'y avaient contrainte. S'il était seul... le dîner devenait acceptable.

  • Es-tu heureux au moins ? finit-elle par demander.

     

 

Elle fut surprise de sa réticence à répondre. Il fixait l’horizon, pris dans des nuées mauves et des effiloches de nuages mordorés qui dessinaient sur la mer des nappes scintillantes.

— Non, répondit Laurent.

Le destin est parfois un traître ami qui vous donne à voir de faux espoirs avec de faux yeux.

Son cœur battit plus vite.

— Non ?

— Non.

— Et Violette ?

— J’ai quitté Violette.

Sa réponse tomba comme la foudre.

— Tout ça pour ça... répondit Élisabeth au bout de quelques instants.

Comment croire que Laurent avait pu briser leur existence pour une amourette qui n’avait pas tenu ?

— Que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

Il y eut un silence.

— Violette est une jeune femme étourdissante. Énergie, soif de vivre, toujours enthousiaste.

— Je t’en prie !...

— Non ! Il faut que tu l’entendes.

— Je n’y tiens pas !

— Violette a tout ce que je n’ai pas. Et tout ce que tu n’as pas.

— C’est-à-dire ?

— La jeunesse.

Le mot résonna comme une blessure. Et d’un seul coup, la plaie saigna à vif, comme si elle venait d'être faite. Jamais fermée, jamais guérie.

— Et donc ? questionna-t-elle, nerveusement.

Elle avait mal au cœur.

— Et donc, ça n’a pas tenu. J’ai fini par me sentir à mille lieux de Violette, de ses amis, de ses envies, de sa sensualité aussi.

— Depuis quand êtes-vous séparés ?

— Tu me manques, Élisabeth, déclara-t-il sans transition.

— Tu n’as pas le droit !

— Mais si ! J’ai le droit de dire que je me suis trompé !

— Te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Et nos enfants ? Et ma famille ? Et nos amis ? Et la maison ? Je n’ai plus rien, moi !

— Moi non plus ! Et je m’en fous. Nos enfants ? Ils sont partis et ça ne les empêche pas de bâtir leur vie ! Ta famille ? Nos amis ? Tu crois que ça les empêche d'être amoureux ou bien de partir en vacances ?

— Mais c’est dégueulasse !

— Oui, ça l'est. Mais tout serait si simple si on était capable de mesurer l'ampleur de ses erreurs avant de les commettre...

— Personne n’a le droit de faire du mal, personne ! Tu m’as trompée, tu m'as trahie, tu m'as abandonnée !

— Je t’ai abandonnée, mais je reviens. J’ai compris qui nous étions, ensemble ! C'est ce que je veux reconstruire avec toi.

— Mais c’est trop facile !

Ah non justement ! Tu crois que c'est facile de reconnaître ce que j'ai fait ? De supporter ton jugement et celui de nos enfants pour le restant de ma vie ? D'endurer la médisance des gens qui diront que je n'ai pas pu vivre avec une femme trop jeune pour moi ? Que je suis une ordure ? Que tu es une lavette si tu acceptes de me reprendre ? Mais je suis prêt à le surmonter. On apprend tellement de ses erreurs. Ne t'es-tu jamais trompée, Élisabeth ?

 

« Ne t'es-tu jamais trompée, Élisabeth ? ... N'as-tu pas cru qu'il n'allait jamais revenir ? N'as-tu pas pensé que tu ne lui pardonnerais jamais ? »

 

Le destin est parfois un curieux ami qui vous offre un parapluie à la fin de l’orage, juste quand il recommence à faire beau.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Nouvelles courtes

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