Les Fiançailles

Publié le par DonaSherif

Thème : un dîner romantique

 

 

Le soir tombait doucement. De la terrasse du restaurant, on voyait le ciel mordoré de stries stochastiques que les feux du couchant démultipliaient en nébuleuses de lumière. Au jusant, la mer était belle, tranquille et sentait bon. Le rythme caressant du clapotis des vagues apportait à l'oreille la douceur qu'ont les soirs d'été, en bordure de plage, quand il a fait très chaud.

Deux amoureux dînaient là, en habitués. C'était un soir particulier. Ils fêtaient leurs fiançailles, « leurs fiançailles avec la vie » avaient-ils décrété.

 

Joé, le patron, les observait du coin de l'oeil, au bar. Depuis quelques jours, tout le monde savait. Joé les aimait bien dans le fond. Ils ne dérangeaient personne si on regardait bien. Ils s'étaient toujours montrés discrets, amoureux et puis ils s'étaient révélés honnêtes et courageux. De plus, c'était des bons clients. De fait, il avait une certaine considération et du respect même, pour ces deux tourtereaux qui étaient allés au bout de leur choix. Joé, c'était pas un cafteur, ça faisait longtemps qu'il avait compris.

 

Sam n'en finissait pas d'admirer les épaules bronzées, le sourire altier et généreux, les yeux clairs et francs qui lui faisaient face, émerveillé de ce cadeau qui comblait son existence et qu'il fêtait au champagne. Un jour qu'ils évoquaient les grands mythes des amours impossibles et pour se moquer de leur mutuelle fascination l'un pour l'autre, ils s'étaient dit :

Juliette aurait-elle aimé Roméo s'il avait été laid ? S'il lui avait manqué des dents juste devant ? Et s'il avait été pied-bot ? Ou difforme ? 

Si tu avais été Juliette et moi Roméo, ou vice-versa, oui !

Ca les faisait toujours rire.

 

Ils se regardaient l'un et l'autre, en suspens dans leur bulle. Les obstacles, ils les avaient un à un et presque tous surmontés. Bien sûr, ils avaient fait du mal. Bien sûr, ils étaient mariés et avaient dû tout dire, tout expliquer, tout avouer. Bien sûr, ils avaient connu l'humiliation publique, on les avait criblés d'insultes. Scott avait été renvoyé de son travail. Sa femme avait fait un esclandre avant d'essayer de se suicider. Sa famille avait porté plainte. Bien sûr, ils avaient dû tout casser pour construire mais chaque obstacle surmonté fortifiait à chaque fois leur amour et ils avaient le regard droit des gens qui ont décidé de leur destin et ne reviendraient plus en arrière. Ils s'étaient gardés l'un pour l'autre et même au plus fort de la bataille, ils avaient résisté et tenu bon. Ils s'étaient battus, ils s'aimaient et tout allait pouvoir commencer.

Scott offrit son cadeau de fiançailles : des clés. C'était les clés du nouvel appartement qui consacrerait le début de leur vie commune.

 

Et pour Adrien ? Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Thomas, inquiet .

La mer connut une des ombres fugaces que lui donne le soleil couchant obombré par un nuage aventureux : la lumière, si prégnante l'instant d'avant, s'éteint, il fait soudain froid. Le soleil s'éteignit dans le regard de Sam. Sam et Thomas avaient surmonté presque tous les obstacles... Mais il restait Adrien. Adrien n'avait pas compris. Adrien, ce serait long et difficile... Adrien qui, avant de s'enfuir chez sa mère, avait hurlé dans un gribouillis de lettres rouges qui éclataient comme du sang sur la page blanche, Adrien avait écrit : « Mon père est un gros pédé ! »

 

 

 

 

 

Parlons d'amour, toujours.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article